Un mail, moyen suffisant pour la rétractation d’une promesse de vente ? (Civ 3ème, 2 février 2022, pourvoi n°20-23.468)
Dans le cadre de tout contrat ou avant-contrat ayant pour objet la construction ou l'acquisition d'un immeuble à usage d'habitation, la souscription de parts donnant vocation à l'attribution en jouissance ou en propriété d'immeubles d'habitation ou la vente d'immeubles à construire ou de location-accession à la propriété immobilière, l’article L.271-1 du Code de la construction et de l’habitation vient offrir à l’acquéreur non professionnel la possibilité de se rétracter dans un délai de dix jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre recommandée lui notifiant l'acte.
La faculté de rétractation de l’acquéreur est prévue par l’article L.271-1 alinéa 2 du code de la construction et de l’habitation qui précise : « Cet acte est notifié à l'acquéreur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par tout autre moyen présentant des garanties équivalentes pour la détermination de la date de réception ou de remise. La faculté de rétractation est exercée dans ces mêmes formes. »
Dès lors, il s’agit pour l’acquéreur désireux de se rétracter d’adresser à son vendeur ou le notaire en charge de la rédaction une lettre recommandée avec avis de réception ou tout autre moyen présentant des garanties équivalentes pour la détermination de la date de réception ou de remise. L’usage est donc de transmettre une lettre recommandée au notaire en charge de la vente afin de lui faire parvenir la rétractation.
Dans un arrêt du 2 février 2022, la Cour de Cassation (Civ 3ème, 2 février 2022, pourvoi n°20-23.468) a tranché une affaire concernant un simple mail par lequel des acquéreurs informaient leur notaire d’une rétractation de leur achat.
Une promesse de vente authentique avait été régularisée par un notaire le 25 avril 2017 prévoyant la vente d’un bien moyennant le prix de 1.220.000,00 €. Une indemnité d’immobilisation évaluée à 10% de la valeur du bien soit, 122.000,00 euros avait été contractuellement décidée en cas de rétractation tardive de l’acquéreur au-delà de ce délai de 10 jours lui bénéficiant. La promesse de vente avait été adressée par lettre recommandée à l’acquéreur et réceptionnée 29 avril 2017. Dès lors, ce dernier pouvait se rétracter jusqu’au 9 mai 2017 compris. Par mail en date du 9 mai 2017 à 18h25, l’acquéreur avait adressé au notaire son intention de se rétracter, suivi d’un courrier recommandé adressé le 10 mai 2017, hors délai pour ce dernier. Le notaire en charge de la rédaction avait attesté avoir reçu le mail du 9 mai 2017 à 18h25.
Le vendeur estimait que le mail ne présentait pas des garanties équivalentes à une lettre recommandée avec avis de réception et que la lettre recommandée adressée hors délai ne pouvait être prise en compte et demandait le paiement de l’indemnité d’immobilisation d’un montant de 10% du prix de vente à l’acquéreur. La question de la lettre recommandée adressée hors délai n’était en revanche pas discutée.
L’affaire avait été portée en première instance puis en cour d’appel. Les juges du fond estimaient que ce mail ne pouvait être considéré comme ayant des garanties équivalentes requises par le texte.
Les acquéreurs avaient formé un pourvoi auprès des juges de Cassation.
La question posée était de savoir si un mail, dont la réception était attestée par le notaire, pouvait avoir des garanties équivalentes à une lettre recommandée avec avis de réception ?
La Cour de Cassation casse l’arrêt d’appel et estime que la rétractation a eu lieu dans des conditions équivalentes à une lettre recommandée avec avis de réception. Cela pour deux raisons :
Premièrement les juges estiment que le mail entre dans la catégorie de tout « autre moyen présentant des garanties équivalentes » tant que ce dernier respecte le délai légal de 10 jours.
Deuxièmement, l’avis de réception est effectif, le notaire affirmant avoir reçu le mail à 18h25 précise, son témoignage n’étant pas remis en cause du fait de son statut d’officier ministériel.
Cet arrêt vient introduire un nouveau mode de rétractation simplifié, lequel néanmoins dépend de l’avis de réception à fournir par le notaire. Le critère des « garanties équivalentes » est satisfait du fait de la fonction du notaire, officier ministériel, lequel vient attester de la réception du mail de rétractation.
Toutefois, rien n’impose au notaire d’attester de la bonne réception d’un tel mail de rétractation. En l’absence d’une telle attestation, il semblerait que la cour de cassation ne permette pas une rétractation de l’acquéreur.
Bien que possible d’après la cour de cassation, un acquéreur désireux de se rétracter par ce moyen devra être particulièrement vigilant à la bonne réception par le notaire de son courrier. Un effort et une crainte inutile qu’il s’épargnerait par un envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception ainsi que le propose le texte.
Néanmoins, cette décision s’inscrit de façon intéressante dans une logique de dématérialisation et d’accélération de la vie des affaires.
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